L’article L. 442–I-6 du Code de Commerce (Loi du 27 Juillet 2010) ne constitue assurément pas une page de la littérature juridique universelle qui passera à la postérité.
Illustration de la méthode législative contemporaine, ce texte apporte cependant, en reprenant une disposition de la Loi du 15 Mai 2OO1, une innovation importante dans la perception de ce qu’est « la relation commerciale établie », sa nature, sa portée, la légitimité de sa protection par le droit.
L’article L 442-6-I-5° prévoit qu’« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :…. 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ». Il érige en faute civile le fait de « rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale….. ».
Ainsi, peut engager sa responsabilité et, à ce titre, être condamné à payer des dommages et intérêts à son partenaire un producteur, commerçant, industriel, artisan qui rompt, ne serait-ce qu’en partie, une relation commerciale établie avec un partenaire sans donner à celui-ci un préavis écrit, proportionnel à la durée de la relation commerciale en question.
Cette disposition d’ordre public a généré une abondante Jurisprudence.
Un nouvel arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 20 Novembre 2012 (Cass. Com. 20/11/2012 n° 11-22.660) STPM/BSH (BOSH, SIEMENS, ELECTROMENAGER) donne l’occasion d’une réflexion plus générale sur la matière.
Dans cette espèce, deux sociétés, BSH et SMTP, ont entretenu de 1986 à 2004, une relation d’affaires, successivement par des accords verbaux, puis par un contrat à durée indéterminé, puis par une succession ininterrompue de contrats à durée déterminée, jusqu’à la notification par la société BSH à la société STPM, le 22 Mars 2004, que le contrat à durée déterminée « non renouvelable par tacite reconduction » et qui venait à échéance le 31 décembre 2004, ne serait pas reconduit.
Rien apparemment de surprenant puisqu’il s’agissait de la fin normale d’une relation contractuelle arrivée à son terme.
La société BSH assigne toutefois la société STPM en réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales et reproche à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté ses demandes au motif que « la nécessité de respecter un délai de préavis suffisant résulte non pas du type de contrats liant les parties mais de l’existence entre eux d’une relation commerciale établie ».
La Cour de Cassation confirme l’arrêt d’appel et refuse en l’espèce de considérer que la rupture présente un caractère brutal.
Elle constate qu’il résulte de l’examen des faits et de leur chronologie que la rupture n’a été ni imprévisible, ni soudaine, ni violente, que BSH «n’a pas abusé de la confiance de son partenaire en lui laissant croire à la conclusion d’un nouveau contrat » et qu’ « elle ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l’avenir ».
Dans cet arrêt se trouve l’essence d’une innovation.
A / Dans la présente espèce, les rapports entre les deux entreprises ont été très normalement organisés et ont fonctionné par l’application de conventions verbales ou écrites, l’écrit constituant la mémoire de ce dont les parties étaient convenues.
Les contrats ont constitué un mode de preuve de l’accord des parties sur la date de terminaison du rapport d’affaires.
Leurs conventions ont porté en particulier sur leurs effets limités dans le temps : elles ont été soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. Dans les deux cas, les modalités de la séparation étaient sans équivoque, prévu par le droit positif, soit par la convention, soit par l’usage, soit par la jurisprudence.
De façon générale, le non renouvellement d’un contrat, si ses dispositions sont respectées, constitue l’expression, dans le principe, de l’exercice de la liberté contractuelle.
En réalité, aujourd’hui l’absence de contrat ne supprime pas la relation d’affaires…
B/ Voilà que surgit une nouvelle conception, une nouvelle forme de relation commerciale clairement indépendante de la relation contractuelle classique définie par le Code Civil et le Code de Commerce.
En effet, est visée par le législateur dans le texte précité et par la jurisprudence « toute relation commerciale établie », que celle ci soit pré-contractuelle, contractuelle ou post-contractuelle.
La jurisprudence considère qu’il y a « relation commerciale établie » dès lors qu’il y a régularité, caractère significatif et stabilité dans les rapports entre les parties.
Dans la période pré-contractuelle, la rupture abusive de pourparlers est fautive, mais il s’agit d’une autre question non abordée ici.
Dans la période post-contractuelle, la notion de relation commerciale établie, tel que cela ressort de la jurisprudence en la matière, transcende la durée déterminée ou plus généralement la durée contractuelle, et crée des obligations entre les parties, en dehors de tout contrat, comme le ferait une reconduction classique du contrat, et en l’absence de tout fondement dans le dernier contrat exécuté.
Le caractère novateur de la modalité qui s’exprime par la formule « relation commerciale établie » est évident .
Il est énoncé notamment dans une décision qui s’exprime clairement sur la nature de la relation : par l’existence de contrats prorogés ou renouvelés une relation durable ayant été établie, elle rend recevable l’action en renouvellement de l’une des parties, non en raison de l’existence du dernier contrat, mais au titre de la rupture d’une relation commerciale établie (Paris 29.11.2007 D.2008 Pan.2196).
La comparaison avec la configuration dans le droit du travail apporte un éclairage complémentaire. Dans la relation entre l’employeur et le salarié, une succession de contrats à durée déterminée sera analysée en contrat à durée indéterminée, mais la référence au rapport contractuel demeure. En matière commerciale, le rapport contractuel antérieur est gommé au profit de la conception nouvelle de « relation commerciale établie ». Cette opinion est cependant contestée par ceux qui analysent la Loi et la Jurisprudence comme incarnant le souci de voir survivre les effets des conventions, notamment s’agissant des modalités du préavis.
C/ Une lecture diagonale à travers les décisions les plus importantes et les plus significatives rendues permet de donner un sens aux différentes exigences des Cours et Tribunaux.
S’appuyant exclusivement sur l’examen des circonstances de fait qui ont entouré la rupture, en dehors de l’examen du rapport de droit qui a été précédemment établi, la Jurisprudence, dans le sillage du texte du Code de Commerce, s’impose d’analyser les motivations des parties dans cette rupture de la relation, recherchant notamment si elle a été ou non, brutale.
Le texte de l’article L 442-6-I-5° permet en effet aux Cours et Tribunaux d’apprécier la durée du préavis à respecter en cas de rupture de relations commerciales établies et donc son caractère brutal, c’est à dire si l’on se réfère au droit commun « imprévisible, soudain, violent » (notamment CA Rouen, 30 mai 2002 : JurisData n° 2002-184180).
Dans un arrêt récent, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation (Cass. Com. 25/11/2012 n° 11-24.301) a estimé que le respect d’un préavis contractuel de 12 mois par la société NESTLÉ FRANCE était insuffisant, tenant compte de la « relation commerciale établie » depuis 16 ans (par un premier contrat, de 1991 à 2003, entre la société CHARLES et NESTLÉ MAROC, puis par un second contrat à durée indéterminée, de 2003 à 2008, entre la société CHARLES et NESTLÉ FRANCE), se fondant pour justifier sa décision, non sur le dernier contrat qui prévoyait un préavis de rupture de 12 mois, mais sur la relation économique ayant existé entre les parties (identité du produits et circonstances dans lequel il est distribué).
Dans l’arrêt de la Chambre Commerciale du 20 novembre 2012 qui nous intéresse, la Cour a estimé que la relation commerciale n’avait pas été rompue brutalement car :
– la société BSH «n’a pas abusé de la confiance de son partenaire en lui laissant croire à la conclusion d’un nouveau contrat »,
– la relation contractuelle était précaire (le dernier contrat était limité à deux ans et non renouvelable par tacite reconduction),
– elle a respecté un préavis de rupture fixé unilatéralement par elle à 9 mois.
Contrairement à l’arrêt NESTLÉ sus-visé, dans cet arrêt, la discussion ne portait pas sur l’existence d’« une relation commerciale établie », qui ne semblait pas être contestée et qui aurait permis de déterminer si la durée du préavis de rupture de 9 mois était raisonnable ou pas.
La discussion portait sur le caractère brutal ou non de la rupture.
Ainsi, dans cet arrêt, la Cour de Cassation trouve la justification de sa motivation dans la moralité des relations ayant existé entre les parties. Ce faisant, elle subjectivise son intervention et glisse dans le domaine de la psychologie.
Mais l’appréciation subjective ne conduit-elle pas inéluctablement le juge vers le recours à des critères moraux ?
A propos de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, la Jurisprudence introduit donc une dimension éthique dans l’élaboration de l’interprétation de la Loi.
L’application rigoureuse de la règle de droit, en l’occurrence des dispositions contractuelles devenues inopérantes, ne doit pas conduire à la justification d’une attitude humainement inacceptable : le mépris des intérêts de celui qui a été un partenaire.
C’est ainsi que la relation établie et sa rupture doivent être conduites de bonne foi, sans que n’ait été créée l’équivoque sur la pérennité du lien, sans tromperie.
Il s’agit en définitive de protéger un statut sans statut en imposant un niveau élevé de moralité dans la relation commerciale.
Le partenaire ne doit pas être trompé sur la conclusion éventuelle d’un nouveau contrat, sa confiance ne doit pas être abusée.
Le côté indissociable du droit et de l’éthique trouve ici une remarquable illustration.
Toutefois, malgré l’intention clairement moralisatrice de la Cour de Cassation, il ne faudrait pas que sous couvert du respect de règles éthiques dans les relations commerciales, l’un des cocontractant utilise le subterfuge abusif consistant à mettre fin à une « relation commerciale établie », par la mise en place de contrats à durée déterminée successifs, non renouvelables par tacite reconduction, l’autre partie prévenue quelques mois avant le terme qu’il ne sera pas renouvelé !
Cass. Com. 20/11/2012 n° 11-22.660
L’article L 442-6-I-5° prévoit qu’« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :…. 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ». Il érige en faute civile le fait de « rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale….. ».
Ainsi, peut engager sa responsabilité et, à ce titre, être condamné à payer des dommages et intérêts à son partenaire un producteur, commerçant, industriel, artisan qui rompt, ne serait-ce qu’en partie, une relation commerciale établie avec un partenaire sans donner à celui-ci un préavis écrit, proportionnel à la durée de la relation commerciale en question.
Cette disposition d’ordre public a généré une abondante Jurisprudence.
Un nouvel arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 20 Novembre 2012 (Cass. Com. 20/11/2012 n° 11-22.660) STPM/BSH (BOSH, SIEMENS, ELECTROMENAGER) donne l’occasion d’une réflexion plus générale sur la matière.
Dans cette espèce, deux sociétés, BSH et SMTP, ont entretenu de 1986 à 2004, une relation d’affaires, successivement par des accords verbaux, puis par un contrat à durée indéterminé, puis par une succession ininterrompue de contrats à durée déterminée, jusqu’à la notification par la société BSH à la société STPM, le 22 Mars 2004, que le contrat à durée déterminée « non renouvelable par tacite reconduction » et qui venait à échéance le 31 décembre 2004, ne serait pas reconduit.
Rien apparemment de surprenant puisqu’il s’agissait de la fin normale d’une relation contractuelle arrivée à son terme.
La société BSH assigne toutefois la société STPM en réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales et reproche à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté ses demandes au motif que « la nécessité de respecter un délai de préavis suffisant résulte non pas du type de contrats liant les parties mais de l’existence entre eux d’une relation commerciale établie ».
La Cour de Cassation confirme l’arrêt d’appel et refuse en l’espèce de considérer que la rupture présente un caractère brutal.
Elle constate qu’il résulte de l’examen des faits et de leur chronologie que la rupture n’a été ni imprévisible, ni soudaine, ni violente, que BSH «n’a pas abusé de la confiance de son partenaire en lui laissant croire à la conclusion d’un nouveau contrat » et qu’ « elle ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l’avenir ».
Dans cet arrêt se trouve l’essence d’une innovation.
A / Dans la présente espèce, les rapports entre les deux entreprises ont été très normalement organisés et ont fonctionné par l’application de conventions verbales ou écrites, l’écrit constituant la mémoire de ce dont les parties étaient convenues.
Les contrats ont constitué un mode de preuve de l’accord des parties sur la date de terminaison du rapport d’affaires.
Leurs conventions ont porté en particulier sur leurs effets limités dans le temps : elles ont été soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. Dans les deux cas, les modalités de la séparation étaient sans équivoque, prévu par le droit positif, soit par la convention, soit par l’usage, soit par la jurisprudence.
De façon générale, le non renouvellement d’un contrat, si ses dispositions sont respectées, constitue l’expression, dans le principe, de l’exercice de la liberté contractuelle.
En réalité, aujourd’hui l’absence de contrat ne supprime pas la relation d’affaires…
B/ Voilà que surgit une nouvelle conception, une nouvelle forme de relation commerciale clairement indépendante de la relation contractuelle classique définie par le Code Civil et le Code de Commerce.
En effet, est visée par le législateur dans le texte précité et par la jurisprudence « toute relation commerciale établie », que celle ci soit pré-contractuelle, contractuelle ou post-contractuelle.
La jurisprudence considère qu’il y a « relation commerciale établie » dès lors qu’il y a régularité, caractère significatif et stabilité dans les rapports entre les parties.
Dans la période pré-contractuelle, la rupture abusive de pourparlers est fautive, mais il s’agit d’une autre question non abordée ici.
Dans la période post-contractuelle, la notion de relation commerciale établie, tel que cela ressort de la jurisprudence en la matière, transcende la durée déterminée ou plus généralement la durée contractuelle, et crée des obligations entre les parties, en dehors de tout contrat, comme le ferait une reconduction classique du contrat, et en l’absence de tout fondement dans le dernier contrat exécuté.
Le caractère novateur de la modalité qui s’exprime par la formule « relation commerciale établie » est évident .
Il est énoncé notamment dans une décision qui s’exprime clairement sur la nature de la relation : par l’existence de contrats prorogés ou renouvelés une relation durable ayant été établie, elle rend recevable l’action en renouvellement de l’une des parties, non en raison de l’existence du dernier contrat, mais au titre de la rupture d’une relation commerciale établie (Paris 29.11.2007 D.2008 Pan.2196).
La comparaison avec la configuration dans le droit du travail apporte un éclairage complémentaire. Dans la relation entre l’employeur et le salarié, une succession de contrats à durée déterminée sera analysée en contrat à durée indéterminée, mais la référence au rapport contractuel demeure. En matière commerciale, le rapport contractuel antérieur est gommé au profit de la conception nouvelle de « relation commerciale établie ». Cette opinion est cependant contestée par ceux qui analysent la Loi et la Jurisprudence comme incarnant le souci de voir survivre les effets des conventions, notamment s’agissant des modalités du préavis.
C/ Une lecture diagonale à travers les décisions les plus importantes et les plus significatives rendues permet de donner un sens aux différentes exigences des Cours et Tribunaux.
S’appuyant exclusivement sur l’examen des circonstances de fait qui ont entouré la rupture, en dehors de l’examen du rapport de droit qui a été précédemment établi, la Jurisprudence, dans le sillage du texte du Code de Commerce, s’impose d’analyser les motivations des parties dans cette rupture de la relation, recherchant notamment si elle a été ou non, brutale.
Le texte de l’article L 442-6-I-5° permet en effet aux Cours et Tribunaux d’apprécier la durée du préavis à respecter en cas de rupture de relations commerciales établies et donc son caractère brutal, c’est à dire si l’on se réfère au droit commun « imprévisible, soudain, violent » (notamment CA Rouen, 30 mai 2002 : JurisData n° 2002-184180).
Dans un arrêt récent, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation (Cass. Com. 25/11/2012 n° 11-24.301) a estimé que le respect d’un préavis contractuel de 12 mois par la société NESTLÉ FRANCE était insuffisant, tenant compte de la « relation commerciale établie » depuis 16 ans (par un premier contrat, de 1991 à 2003, entre la société CHARLES et NESTLÉ MAROC, puis par un second contrat à durée indéterminée, de 2003 à 2008, entre la société CHARLES et NESTLÉ FRANCE), se fondant pour justifier sa décision, non sur le dernier contrat qui prévoyait un préavis de rupture de 12 mois, mais sur la relation économique ayant existé entre les parties (identité du produits et circonstances dans lequel il est distribué).
Dans l’arrêt de la Chambre Commerciale du 20 novembre 2012 qui nous intéresse, la Cour a estimé que la relation commerciale n’avait pas été rompue brutalement car :
– la société BSH «n’a pas abusé de la confiance de son partenaire en lui laissant croire à la conclusion d’un nouveau contrat »,
– la relation contractuelle était précaire (le dernier contrat était limité à deux ans et non renouvelable par tacite reconduction),
– elle a respecté un préavis de rupture fixé unilatéralement par elle à 9 mois.
Contrairement à l’arrêt NESTLÉ sus-visé, dans cet arrêt, la discussion ne portait pas sur l’existence d’« une relation commerciale établie », qui ne semblait pas être contestée et qui aurait permis de déterminer si la durée du préavis de rupture de 9 mois était raisonnable ou pas.
La discussion portait sur le caractère brutal ou non de la rupture.
Ainsi, dans cet arrêt, la Cour de Cassation trouve la justification de sa motivation dans la moralité des relations ayant existé entre les parties. Ce faisant, elle subjectivise son intervention et glisse dans le domaine de la psychologie.
Mais l’appréciation subjective ne conduit-elle pas inéluctablement le juge vers le recours à des critères moraux ?
A propos de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, la Jurisprudence introduit donc une dimension éthique dans l’élaboration de l’interprétation de la Loi.
L’application rigoureuse de la règle de droit, en l’occurrence des dispositions contractuelles devenues inopérantes, ne doit pas conduire à la justification d’une attitude humainement inacceptable : le mépris des intérêts de celui qui a été un partenaire.
C’est ainsi que la relation établie et sa rupture doivent être conduites de bonne foi, sans que n’ait été créée l’équivoque sur la pérennité du lien, sans tromperie.
Il s’agit en définitive de protéger un statut sans statut en imposant un niveau élevé de moralité dans la relation commerciale.
Le partenaire ne doit pas être trompé sur la conclusion éventuelle d’un nouveau contrat, sa confiance ne doit pas être abusée.
Le côté indissociable du droit et de l’éthique trouve ici une remarquable illustration.
Toutefois, malgré l’intention clairement moralisatrice de la Cour de Cassation, il ne faudrait pas que sous couvert du respect de règles éthiques dans les relations commerciales, l’un des cocontractant utilise le subterfuge abusif consistant à mettre fin à une « relation commerciale établie », par la mise en place de contrats à durée déterminée successifs, non renouvelables par tacite reconduction, l’autre partie prévenue quelques mois avant le terme qu’il ne sera pas renouvelé !
Cass. Com. 20/11/2012 n° 11-22.660