A ce titre, le régime du compte courant d’associés procède d’une application plutôt aisée dans la mesure où tout associé peut, en principe, exiger le remboursement de son avance en compte courant, à tout moment, sauf clause statutaire ou convention contraire (Cass. Com. 24 juin 1997 n° 95-20.056 ; Cass. Com. 8 décembre 2009 n° 08-16418).
Dans l’arrêt susvisé récemment rendu par la Cour de Cassation, une convention de compte courant d’associé est conclue.
Postérieurement, dans le cadre de la cession de parts sociales intervenue, la société accepte de s’acquitter du remboursement de sa dette au titre dudit compte courant d’associé, selon un échéancier arrêté, sans toutefois que soient précisées :
- ni la durée de mise à disposition,
- ni les modalités de son remboursement.
Quelques années plus tard, la société est mise en redressement judiciaire.
L’associé créancier du compte courant d’associé déclare sa créance.
Dans le cadre du litige qui lui est soumis, la Cour de Cassation a alors à répondre à deux questions liées au remboursement de ce compte courant d’associés:
- l’associé créancier du compte courant, fait-il la preuve de l’existence de cette avance en compte courant d’associé ?
- la règle de l’arrêt du cours des intérêts dus au titre de cette avance est-elle applicable ?
a) Sur la preuve de l’existence de l’avance en compte courant d’associés
Dans l’arrêt rendu, la Cour de Cassation s’est montrée souple dans l’appréciation des éléments de preuve de l’existence de l’avance en compte courant d’associés.
Elle a en effet estimé que la Cour d’Appel a, à juste titre, considéré que les éléments comptables suivants étaient suffisants pour attester de l’existence de l’avance en compte courant :
– rapport du commissaire aux comptes faisant état de cette avance,
– mention du montant de celle-ci à la ligne « emprunts et dettes financières divers » du passif du bilan de l’exercice de la cession des parts de la société,
– engagement de la société de respecter un échéancier de remboursement.
Elle a en revanche rejeté l’argument adverse soulevé consistant à prétendre que cette preuve était rapportée lorsque l’associé créancier faisait la preuve de la remise effective des sommes en compte courant d’associé qui n’était pas rapportée en l’espèce, aux motifs que l’avance en compte courant, qui s’analyse en un prêt non consenti par un établissement de crédit, constitue un contrat réel dont le titre n’est formé que par la remise effective des sommes.
La Cour de Cassation justifie sa position en précisant que le compte courant d’associés obéit aux conditions générales de formation des contrats (art. 1108 du Code Civil), s’agissant d’un contrat consensuel n’étant soumis, en principe, à aucune condition de forme particulière.
En admettant ainsi que l’existence d’une avance en compte courant d’associés peut être établie par de simples données comptables, la Cour de Cassation facilite ainsi la preuve de l’existence de l’avance en compte courant d’associés.
b) Sur l’arrêt du cours des intérêts de l’avance en compte courant d’associés
Aux termes de l’article L 622-28 du Code de Commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure collective a pour effet d’arrêter le cours des intérêts dus par le débiteur, sauf en ce qui concerne les intérêts résultant des contrats de prêt, conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus.
En l’espèce, la Cour de Cassation confirmant la décision de la Cour d’Appel, estime que le compte courant litigieux ne pouvait être considéré comme un prêt à plus d’un an, dans la mesure où la convention de compte courant ne précisait :
– ni la durée de mise à disposition des fonds,
– ni les modalités de son remboursement,
bien que l’acte de cession (et non la convention de compte courant d’associé elle-même) stipulait que l’avance devait lui être remboursée selon un échéancier supérieur à un an.
La Cour de Cassation a considéré que l’associé ne pouvait se prévaloir de l’échéancier de remboursement accordé à la société lors de la cession, pour prétendre que l’avance en compte courant constituait un prêt supérieur à un an, en l’absence de modalités de remboursement contractuelles supérieur à un an.
Posant ce principe, la Cour de Cassation décide donc d’arrêter le cours des intérêts de la créance de l’associé prêteur au jour du jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation va dans le sens d’une interprétation stricte de l’exception à la règle de l’arrêt du cours des intérêts, et s’inscrit inscrit dans le sens de la jurisprudence appliquée jusque là.
Aux termes de cette jurisprudence antérieure, sont en effet exclues du champ d’application de l’exception, les ouvertures de crédits dès lors que celles-ci sont conclues pour une durée indéterminée, car, en raison de l’indétermination de leur durée, celles-ci peuvent être remboursées avant l’expiration du délai d’un an.
Dans le même sens, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 6 mai 1997 n° 94-13772, a décidé d’arrêter le cours des intérêts au jour du jugement d’ouverture, alors même que l’ouverture de crédit avait été maintenue pendant plus d’un an.
De la même manière, la Cour de Cassation dans un arrêt du 24 juin 1997 n° 95-20058, a décidé que l’associé peut, en principe, exiger le remboursement de son avance en compte courant à tout moment, sauf clause statutaire ou convention contraire.
(Cass. Com. 23 avril 2013 n° 12-14283).